
Faire des affaires en République Démocratique du Congo
Interview avec Monsieur Henri MOVA SAKANYI, Ambassadeur de la République Démocratique du Congo près le Benelux et de L’Union Européenne.
Quelle est la situation sociale et politique actuelle de la République Démocratique du Congo (RDC)?
La situation est en nette progression, tant sur le plan social qu’économique. Nous pourrions même parler d’une success story puisque nous sommes passés d’une situation difficile suite au génocide du Rwanda et à l’afflux de réfugiés qui a essoufflé nos structures sociales et économiques, à une croissance désormais parmi les plus fortes d’Afrique voir du monde.
Nous avons également connu une grande évolution sur le plan politique avec une démocratie consolidée par une nouvelle Constitution et de nouvelles institutions. Et nous prévoyons de consolider l’architecture démocratique par la mise en place d’institutions au niveau de la base avec des élections locales et municipales, ce que nous n’avons pas eu depuis des années.
Quels sont les cinq principales raisons de faire des affaires en RDC? (situation géographique, situation politique, centres d’innovation …)
Un des avantages comparatifs de la RDC est sa géographie. Le pays se trouve au cœur de l’Afrique et touche donc autant à l’Est qu’à l’Ouest du continent. C’est ce qui explique par exemple qu’en termes de transports aériens, nous sommes le hub naturel de l’Afrique. Kinshasa est, par exemple, à seulement deux heures d’avion de Nairobi, la capitale du Kenya.
La RDC jouit également d’un territoire immense, représentant 80 fois la superficie de la Belgique, autrement dit, toute l’Europe occidentale réunie en un pays. Et avec une population de 75 million d’habitants, soit 7 fois plus que la population Belge. Comme nous partageons notre frontière avec 9 pays d’Afrique, investir au Congo vous donne potentiellement accès à un marché de 250 millions d’habitants. Nous sommes d’ailleurs membre de la SADC (South African Development Community) où trônent des économies telles que l’Afrique du Sud et l’Angola.
La RDC possède également un potentiel énorme en matière de ressources naturelles, avec l’une des plus grandes réserves minérales d’Afrique, les principaux minerais étant le diamant, le cuivre, le cobalt, l’étain et l’or mais également des plus rares tels que la colombo tantalite, le cobalt, le manganèse…
Le pays est également doté de sols fertiles, 80 milliards d’hectares de terres arables. C’est également le deuxième poumon au monde puisque 47% des forêts d’Afrique se trouvent en RDC.
Au niveau du potentiel hydroélectrique, la RDC bénéficie à la fois du Bassin du Congo, le plus grand fleuve en termes de débit, et du Bassin du Nil. 12 milliards d’euros ont été investis récemment sur le seul site d’Inga.
La RDC possède ainsi presque toutes les matières premières qui font tourner tous les secteurs de l’industrie moderne (informatique, télécommunication, etc.). Mais surtout, il ne faut pas oublier qu’une grande partie des ressources de ce pays constitue les réserves les plus importantes du monde encore non exploitées.
Voilà donc un pays émergent à 75 millions d’habitants et en forte demande d’investissements puisque beaucoup de choses restent à construire.
Y a-t-il des secteurs qui sont particulièrement prometteurs en particulier pour les petites et moyennes entreprises de l’UE ?
L’immensité du territoire nécessite des connections pour connecter le centre de production avec le centre de consommation mais aussi rentabiliser les autres secteurs. Le secteur des transports en commun et des infrastructures est donc incontournable.
Pour nourrir cette grande population, l’agriculture est également un domaine de premier plan. Le gouvernement a d’ailleurs lancé une expérience pilote d’agrobusiness où 80 000 hectares vont être exploitées afin de produire à un niveau industriel des denrées qui puissent répondre à la demande interne. A nouveau, pour pouvoir inonder toute la nation de ces produits, le pays doit être bien connecté.
Le secteur des nouvelles technologies renouvelables peut aussi être mis à contribution pour la production d’énergie, d’autant plus que le sud producteur de produits miniers est très demandeur d’électricité.
Un autre secteur demandeur d’investissements est celui des assurances puisque le monopole de l’Etat sur les assurances vient d’être cassé.
Il ne faut pas oublier également le secteur des nouvelles technologies de l’information et des communications. Nous avons une population jeune, donc grande consommatrice de ces produits. Dans le domaine de la téléphonie, vous pouvez potentiellement obtenir 30 millions d’abonnés au bout de deux, trois ans.
Enfin, la RDC a mis en place des zones économiques spéciales autour de la capitale qui consacre des avantages aux investisseurs, aux plans fiscal, douanier et social tels que : l’exonération de l’impôt sur les sociétés, des droits de douanes, des taxes et redevances à l’importation, et des facilités sur le change.
Qu’est-ce qui explique la réticence de certaines PMEs européennes à investir en RDC ?
Le premier goulot d’étranglement est la méconnaissance du terrain. Suite à la chute du mur de Berlin, beaucoup de PMEs européennes se sont tournées vers l’Europe centrale. En conséquence, toute une génération en Afrique si ce n’est pas deux n’a pas connu les descentes en Afrique. Il y a comme une perte de mémoire par rapport à ce que représentait l’Afrique pour les colonies européennes, d’autant plus que les médias et les hommes politiques ont dressé un portrait calamiteux de l’Afrique qu’ils décrivent comme une terre de de désespoir avec le sida, les guerres etc.
Or il y a une déconnection nette entre la croissance économique et les zones déstabilisées. Même la Somalie connait une croissance économique et le Nigéria est passé première économie d’Afrique au même moment où sévit Boko Harem dans la région.
Aller en RDC aujourd’hui pour investir, c’est faire fi de toute l’idéologie des politiques, qui eux sont restés sur le mode de la coopération à l’ancienne au lieu de réellement faire du business. Donc la première chose que je demande aux PMEs européennes est de lire la presse spécialisée plutôt que les journaux, et de participer aux salons et missions commerciales organisées par les Africains.
L’Europe est désormais en train de redécouvrir l’Afrique mais cette fois ci en concurrence avec des économies virulentes de l’Asie. Là où y a une difficulté, les asiatiques avancent car ils savent que les autres existent. La génération future doit renouer avec l’Afrique et prendre des risques.
Quels sont les défis que les PME européennes rencontrent sur place? Comment peuvent-ils être surmontés?
Sur place, les défis sont d’ordre administratif dans la mesure où nous avons créé dans le passé des chaines bureaucratiques très longues. Mais cela commence à être dépassé grâce à la mise en place, entre autres, de mise en place de mécanismes de transparence ou de de guichets uniques tels que l’ANAPI (Agence Nationale pour la Promotion des Investissements) qui encadre les investissements pour écourter les délais.
Nous avons également adhéré à pratiquement tous les instruments internationaux tels que l’OHADA pour surveiller tout ce qui se fait en termes d’extractions minières par exemple. En termes également de contentieux commerciaux, ces-derniers sont désormais traités par des tribunaux autres que les tribunaux ordinaires. Cet ensemble de structures d’encadrement d’un bon investissement crée naturellement un atout supplémentaire.
Avez-vous des conseils sur la façon de faire des affaires en RDC? (processus de prise de décision, des suggestions de sujets de conversation, des conseils sur la gestuelle…)
Aujourd’hui, on ne peut pas faire du business sans apprendre la culture des autres. L’Afrique est aujourd’hui boulimique en termes d’investissements et souhaite que ça ailler vite. Si vous passez 4 ans à faire des études de faisabilité, alors vous n’êtes pas fait pour l’Afrique.